Voix de celui qui crie dans le désert…
Le texte d’aujourd’hui m’a rappelé une anecdote qui s’est déroulée cet été dans notre immeuble. Il faisait chaud, les fenêtres étaient grande ouvertes. Je travaillais. Et puis je tends l’oreille et entends une voix qui répète inlassablement « pourquoi, tu fais Ca, pourquoi tu fais ça »… J’attends mais au bout d’1/4h de cette litanie persistante, je me décide à descendre d’un étage et à aller voir mes voisins du dessous. Je retrouve une autre voisine qui habite l’immeuble d’à côté, elle aussi inquiète. Nous sonnons, nous attendons, la porte s’ouvre. C’est le jeune garçon de 13-14 ans. Tout va bien ? On t’entend, on s’inquiète. Non, non, pas de soucis. Bon. Il referme la porte, le silence s’installe.
Il y a 3 semaines, rebelotte, j’entends « papa, pourquoi tu veux pas, papa, pourquoi tu veux pas »…. Pendant 1/4h, de nouveau cette litanie insistante. Sauf que cette fois-ci, je ne suis pas descendue. Je me suis juste dit qu’il ne devait pas être facile d’élever un ado quand on est un papa solo…
Voix de celui qui crie dans le désert, voix de celui qui crie dans le vide, pensons-nous.
Je songe ainsi à ces personnes que j’accompagne dans le cadre de mes fonctions d’aumônière à l’Agora. C’est par ce cri que j’ai été accueilli lundi dernier au CFA du Grand Saconnex, près de l’aéroport. Lucie, une ivoirienne, se plaignait d’un manque d’écoute de la part des membres de l’encadrement. Elle m’a dit : c’est comme si je criais dans le désert !
Lorsque nous évoquons l’interview que les personnes requérantes auront avec le SEM, plusieurs me disent. Je n’ai pas besoin de preuve. Lorsqu’ils écouteront mon histoire, ils me croiront et comprendront.
La réalité est bien différente…
Par la suite, lorsqu’ils reçoivent une réponse négative, plusieurs me disent. Ils ne m’ont pas écouté.
Ensuite lorsqu’ils sont dans une impasse avec un renvoi qui se profile de plus en plus, ils se plaignent, Que fait Dieu ? Il ne m’écoute pas. Il ne fait rien pour moi. Il m’a abandonné.
Voix de celui qui crie dans le désert.
Nous sommes le deuxième dimanche de l’Avent. Autour de nous, la fête de Noël se prépare, celle du père Noël, des lumières, des cadeaux, de la frénésie, du bruit. N’avez-vous pas parfois l’impression d’être vous aussi une voix dans le désert ? Lorsque vous parlez de crêche, de messe, des 4 bougies, du calendrier de l’Avent avec des psaumes et non du chocolat. Personnellement, je dois même négocier la participation à la messe de Noël avec mes trois filles bientôt adultes ! C’est un peu décourageant.
Pas facile de se sentir seul, isolé, dans son envie de vivre cet Avent autrement.
Pourtant ce texte n’est pas pessimiste !
Ainsi, Jean-Baptiste vit et crie dans le désert… et il est entendu. Car le désert est un lieu où la voix porte. On nous dit que des foules viennent le voir pour se faire baptiser. Même Jésus vient jusqu’à lui. Sa voix porte au-delà.
Le cri des requérants porte aussi. Nous, aumôniers, sommes là pour écouter, pour accompagner. Nous sommes souvent impuissants face aux démarches administratives mais leur voix vient jusqu’à nous, compte pour nous. Nous essayons de relayer cette voix quand c’est possible, de la faire connaître auprès de nos autorités, des journaux.
Et nous prions avec eux lorsqu’ils pensent que Dieu les a abandonnés. Comment leur faire sentir qu’au contraire, Il est là, à leur côté ?
Car le désert n’est pas du vide. Nous savons que quelques gouttes de pluie suffisent à le faire fleurir et qu’une vie nombreuse se cache sous le sable.
C’est ce que nous invite à faire Jean-Baptiste : « Produisez donc un fruit digne de la conversion » nous dit-il.
Le désert est lieu qui nous invite à écouter, à transformer, à nous transformer, à le transformer.
Alors que faire pendant ce temps de l’Avent ? Comment produire du fruit dans ce désert comme nous demande Jean-Baptiste ?
C’est saint Paul qui nous offre trois pistes dans sa texte aux romains que nous venons de lire :
En premier, il écrit
Que le Dieu de la persévérance et du réconfort
vous donne d’être d’accord les uns avec les autres
selon le Christ Jésus.
Il nous donne de profiter de cette période pour nous réconcilier les uns avec les autres, de nous mettre d’accord, de renouer les liens rompus. Noël est quand même un formidable prétexte pour envoyer une carte, passer un coup de fil, inviter à prendre un vin chaud avec un morceau de panettone. Et de renouer, de se réconcilier…
La paroisse saint Joseph nous a offert un moment de réconciliation mardi dernier avec un temps de relecture. A chacun de se poser la question : avec qui me réconcilier en ce temps de l‘Avent ?
Dans le chapitre 5, saint Matthieu ne nous dit pas autre chose lorsqu’il écrit : 23 Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, 24 laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande.
Se réconcilier avant d’aller prier…
C’est ainsi que saint Paul propose comme seconde piste :
Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix,
vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.
Nous ne sommes pas seul dans cette période. Regardons-nous !
Il nous donne de profiter de ce moment pour rejoindre des groupes de prière ou des soirées de louange ou de réflexion qui se multiplient pendant l’Avent. C’est ainsi un bon moyen de prendre le temps, de rendre gloire d’un même cœur, d’une seule voix, pas seul mais avec d’autres. Hier soir, nous étions invités à chanter des chants de noël ensemble ; vendredi dernier à l’espace Madeleine, l’entrée de l’Avent s’est faite avec des chants et des textes autour du thème de la lumière… Alors, prenons ce temps ensemble. Mais attention, pas pour un entre soi mais comme un nouveau départ vers les autres.
Car saint Paul propose une troisième piste
Accueillez-vous donc les uns les autres,
comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu.
A travers l’accueil, saint Paul nous donne de développer un désir de fraternité.
Le récent voyage du pape Léon XIV au Liban s’est effectué sous le signe de cette même fraternité qui peut conduire à la paix. Car le temps de l’Avent est un moment pour œuvrer à la paix entre nous. Léon XIV a ainsi déclaré aux libanais, mais ce message nous concerne autant :
Chacun doit faire sa part et nous devons tous unir nos efforts pour que cette terre retrouve sa splendeur. Et nous n’avons qu’un seul moyen de le faire : désarmons nos cœurs, faisons tomber les armures de nos fermetures ethniques et politiques, ouvrons nos confessions religieuses à la rencontre réciproque, réveillons au plus profond de nous-mêmes le rêve d’un Liban uni, où triomphent la paix et la justice, où tous puissent se reconnaître frères et sœurs et où, enfin, puisse se réaliser ce que nous décrit le prophète Isaïe : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble » (Is 11, 6).
A saint Joseph pendant ce temps de l’Avent, nous sommes invités à vivre la fraternité en soutenant Haïti, puis la Pastorale du Monde du Travail et enfin le Bénin. Sabrina et les catéchistes ont aussi apporté des cadeaux. Vous avez la possibilité d’en prendre un et de l’offrir à quelqu’un d’inhabituel si vous le souhaitez. Il s’agit de vivre la fraternité ici et ailleurs.
En conclusion, nous avons encore du temps devant nous pour produire du fruit dans le désert. A nous de trouver notre propre moyen d’y parvenir, ou de suivre les trois moyens, ou un sur trois, ou deux sur trois… que propose saint Paul :
Nous réconcilier avec nos proches
Louer Dieu avec d’autres
Développer cette fraternité qui nous lie au nom du Christ
Je vous souhaite un Heureux temps de l’Avent !
